Ne pas baisser les bras face à la retraite
Que fait-on socialement, économiquement ou politiquement de l’allongement de la durée de vie depuis le milieu du siècle dernier? Le philosophe et écrivain français, Pascal Bruckner, ne croit vraiment pas qu’on ait pris la mesure de la révolution anthropologique en cours. Il ne le cache pas, pour lui, la retraite, c’est une défaite. Considérée comme une victoire lors de sa conquête, elle accélère désormais la vieillesse, selon lui. Or, il existe bel et bien une vie au-delà de la soixantaine. Il l’a expérimentée. La retraite, ce n’est pas rester oisif pendant les vingt à trente ans gagnés sur le dos des générations qui suivent, a-t-il relevé lors de la Biennale, manifestation organisée par AVENA Fondation BCV 2e pilier, le 4 octobre dernier au Musée Olympique de Lausanne.
Des seniors utiles
Dans son plaidoyer pour une vie active au-delà de limites qui n’ont plus de raison d’être pour des pans entiers de la population, il en a appelé à inscrire les personnes que l’on nomme pudiquement les «aînés» dans les champs économiques et sociaux aussi longtemps qu’ils le souhaitent. Pour leur permettre non seulement de se sentir utiles, mais aussi de garder un certain pouvoir social et surtout économique à l’heure où se posent les questions de la croissance et du financement des assurances sociales. Que ce soit par le travail rémunéré ou le volontariat, il insiste pour que l’on «repense à l’utilité des seniors afin d’arracher le grand âge à la malédiction de la décrépitude».
Si ces notions de retraite, d’âge de la retraite, de droit au repos, de financement des assurances sociales ont récemment poussé les Français dans la rue, ici, elles conduisent régulièrement la population aux urnes. Et ce sera encore le cas en 2024, a rappelé le directeur d’AVENA, Francis Bouvier, dans son intervention. D’où sa satisfaction de constater que la récente élection du Conseil de fondation a suscité un vif intérêt. Pas moins de 24 personnes assurées se sont en effet présentées.
Bilan d’une législature mouvementée
Car oui, Alexandre Pahud a introduit sa dernière Biennale en tant que président. Ému, il a tiré un bilan positif d’une législature qui s’est ouverte sous le signe du COVID-19. Il a notamment évoqué le virage en cours de la Fondation vers la prise en compte, dans sa gestion, de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), les efforts fournis pour entrer à l’heure dans l’ère de la nouvelle loi sur la protection des données (nLPD) ou encore les besoins croissants en matière de digitalisation. Autant de dossiers ou de défis qui occuperont encore les membres récemment élus – ou réélus – du Conseil de fondation, à qui il souhaite «d’avoir autant de plaisir qu’il en a eu».
Autre nécessité pour les caisses de pensions en général, et AVENA en particulier, une présence toujours plus forte sur le front de la communication. Ainsi, les soirées AVENA, destinées à l’ensemble des assurées et assurés, sont reconduites en 2023. Un partage d’informations qui a rencontré un grand succès.
Communication indispensable
La communication est également au cœur de la transition digitale de la fondation. Au-delà des portails pour les assurés ou les entreprises, ce virage implique également les échanges de données tout au long de la chaîne de valorisation de la prévoyance professionnelle. «Un mouvement qui devrait être pleinement stabilisé d’ici une dizaine d’années», a insisté Francis Bouvier. En attendant, la mise sur pied d’interfaces communes demande des investissements, qui sont autant d’accélérateurs «de la concentration en cours de l’univers des caisses de pensions». AVENA poursuit, elle, sa croissance. Le défi aujourd’hui, a relevé le directeur, est de «continuer à accueillir de nouveaux adhérents et adhérentes tout en fournissant la même qualité de service».
À propos de financement, Francis Bouvier a rappelé quelques données clés de la prévoyance professionnelle sur la base des chiffres d’AVENA. Ainsi, la moyenne des avoirs à la retraite avoisine CHF 340 000, ce qui, vu sous l’angle de la médiane, donne CHF 1900 par mois de rente. Des chiffres qui soulignent l’importance de faire comprendre aux employées et employés la nécessité de se préoccuper assez tôt de leur retraite.
Croissance de 1% en Suisse
AVENA présentait à fin septembre un taux de couverture de 104,1%. Reflet notamment de la bonne tenue des marchés financiers durant la première partie de l’année, après un exercice 2022 fortement teintée de rouge. Les bourses constituent d’ailleurs, selon Attilio Zanetti, membre suppléant de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS), le principal risque pour la croissance suisse l’an prochain. Sa crainte? Qu’une croissance résistante et une inflation persistante ne déjouent les anticipations des marchés. Alors, on pourrait assister à une réévaluation des actifs.
Pour 2023, Attilio Zanetti a rappelé que la BNS tablait sur une croissance de 1% pour la Suisse. Petite économie ouverte, elle pâtit du ralentissement de l’activité en Europe – particulièrement en Allemagne – ou encore en Chine et des premiers effets de la hausse des taux sur l’activité. Mais, elle est soutenue par une demande intérieure dynamique grâce à un marché de l’emploi solide.
Le resserrement monétaire engagé en juin 2022 a permis de faire refluer l’inflation. La BNS reste cependant vigilante, afin d’assurer sa mission, soit la stabilité des prix. «Une stabilité des prix qui fait partie intégrante du modèle d’affaires suisse, qui permet aux entreprises de créer de l’emploi, de payer les retraites». C’est ça, a-t-il conclu, «le lien entre les caisses de pensions et la BNS.»
Les retraites devraient ainsi rester sous les feux de la rampe en 2024 d’abord et durant l’ensemble du mandat de quatre ans qu’entame le nouveau Conseil d’AVENA.